mardi 25 août 2009

Jack in the Box




La boîte.


La boîte de l’appareil photographique. La boîte-télévision. Boîte à image, image comme boîte scellant un instantanée d’une scène, d’une situation, de personnages et leurs postures.Les nombreuses images qui envahissent notre quotidien, leurs impacts émotionnels qui visent nos pulsions primaires (la peur, l’envie…).
L’image est devenue bavarde, que ce soit celle qui nous est imposée par les journaux, les supports publicitaires, ou abusivement par la télévision.Ces images nous dictent nos désirs, nous assaillent de leurs discours, nous éloignent de nos imaginaires.

 Comment libérer l’image de son discours pour en extraire du récit ?
Face au paradoxe qui voudrait que l’image s’impose comme discours et que l’homme soit astreint au silence, mon désir est d'apporter le silence à l'image et de rendre le langage aux gestes.
Des images vidées de leur discours, pourront commencer à inventer leur propre récit.
La chorégraphie a pour elle, qu’elle invente le silence . Le silence agit alors comme révélateur du récit. En imposant le silence à l’image, la chorégraphie libère celle-ci de son discours et invente des distorsions du réel, des possibles, des imaginaires.
 
Comment peut être traitée cette image choc pour qu’à nouveau une circulation fonctionne entre un fait d’actualité et notre pouvoir d’engagement face a cette actualité?
En isolant une image et en permettant sa mémorisation par le public, il sera possible de développer de multiples avenirs possibles de cette image  par un jeu de déconstruction/reconstruction, de manipulation, avec comme levier, les corps, leurs gestes, leurs postures, les rythmes.
Je suis très intéressée par le mouvement et la composition de l’image. La chorégraphie, comme processus de construction de cette image, au-delà d’une narration, permet d’éveiller l’imaginaire. Elle peut également mettre à jour notre fragilité face à la puissance de l’image. Ici, le regard est sollicité dans ses capacités de mise en perspective. Le regard comme témoin d’une scène ou acteur de celle-ci.
 
Juste une image. Le pouvoir de l’image
Isoler une image, juste une image de son contexte. La mettre en apesanteur, en orbite, comme s’il ne restait de notre monde que cette image, seul témoin de notre civilisation. Reconstituer un monde à partir d’elle. Développer ses capacités de violence, de douceur. Extraire de cette image réduite au silence, sa charge de mensonges, d’humiliation, de terreur.
Une image témoin de notre civilisation...
Synopsis
Il était une fois...
Le sol est jonché de détritus. Une fine couche de blanc recouvre les déchets. On ne sait pas exactement ce qui s'est passé. Le temps semble suspendu. Serait-ce le reste d'une fête, un accident ou un attentat...? Les indices se contredisent les uns les autres.
Ils sont trois. Trois au total : deux hommes et une femme. Ont-ils été acteurs de l'événement, ou bien simples témoins? Viennent-ils d'arriver, ou bien sont-ils là depuis...? Ont-ils seulement un lien avec cette image?
Ils sont trois, une fille, deux garçons, trois témoins oculaires.
Le sol a glissé sous leurs pieds et ils se sont retrouvés pris entre deux poids et deux temps. Leurs mouvements sont parfois trop lents, parfois trop rapides. Étirés entre ces deux vitesses, leurs mouvements allongés à l'excès renvoient leur corps à des allures grotesques.
Ils sont tiraillés entre deux temporalité et cette position inhabituelle leur donne un statut de non lieu. Ils hoquettent entre un passé et un avenir.
Ils sont là, en attente de paradis. Quelque chose les a réuni dont ils n'ont pas la moindre idée, le moindre soupçon. Quelque chose de très fort. Happés par le mouvement d'un quotidien accidenté, leurs regards passent inopinément de l'actif au passif.
Il manque au tableau quelque chose pour que l'événement ait eu lieu, ou qu'il ait été marqué comme ayant eu lieu. Et ceci pour la simple raison, qu'il manque au puzzle la pièce principale, ou bien, que nous, spectateurs, sommes  aveugles.
L'image tient par une illusion, comme une fleur sans vase qui tiendrait en l'air.
Face à cet événement historique, l'absence de centre éveille une sorte d'état de crise permanente, laissant les protagonistes dans un état de veille continuelle. Étaient-ils là depuis cinq ans, dix ans...? Ils sont tel Sisyphe en vacances, hostiles à tout engagement. Ils sont trois et peut-être morts. L'élan qui accompagne leur état de veille les a lâchement abandonné. Celui-ci est parti, en refusant toute négociation, les laissant face à leur immortalité. L'image maintenue, au bord du chaos, pas tout à fait avant, ni vraiment après, renvoie la scène à trois points de suspension. 
Note de mise en scène 
L'acteur, celui qui sait jouer de l'espace et du temps
L'acteur, dans sa relation avec l'espace, parvient à ralentir le regard du spectateur, à impliquer celui-ci dans la réflexion qui se joue autour de l'image.
L'acteur, dans le jeu qu'il introduit avec les codes de représentation, invite le spectateur à écrire son propre scénario, au gré de sa mémorisation des codes, et de ses anticipations.
L'acteur, comme illusionniste du temps, développe des focales (distance entre le public et l'image vue). À la fois acteur et témoin de son jeu, cette distance que nous travaillons permet à l'acteur d'être à la fois dans l'image et hors d’elle. Cette distanciation nécessaire à la réflexion, crée des poches de résistance où se développent de possibles imaginaires.
Pour moi, c'est en ce sens que la philosophie, comme la danse, crée des postures d'équilibre qui permet à la pensée de se développer. J'entends par acteur celui qui sait jouer de l'espace et du sens. La scène est pour moi le lieu de composition de ces différents éléments. J'utilise  l'interactivité entre le jeu de l'acteur et le regard du spectateur comme un terrain de jeu. Nous pourrions également parler de danseur, mais ce terme implique encore dans notre culture une abstraction, qui, pour ma part, réduit le travail de l'acteur.
      Catherine Baÿ, avril 2008

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